"La Résurrection"

Publié le par Père Maurice Fourmond

Notre-Dame de la Gare

Journée avec les accompagnateurs du Catéchuménat

le dimanche 22 Mai 2016

 

-I- La résurrection

 

Introduction

1-Nous croyons en la résurrection

2- Deux questions

    À partir de ces affirmations et de bien d’autres encore, deux questions se posent : Qu’est-ce qui nous dit que ces affirmations sont vraies ? Et seconde question : Quel est le sens, le contenu de ce qu’on appelle une résurrection ?

3-Les « apparitions » du ressuscité

 

Introduction

 

    Les catéchumènes vous interrogent beaucoup sur la résurrection, la vie éternelle, le jugement, le rapport entre notre vie ici-bas et après la mort... aussi au cours de cette journée, nous allons essayer de clarifier un peu ces points centraux pour une vie de chrétien.

 

    Mais avant d’entrer dans notre sujet, je voudrais faire quatre remarques fondamentales pour accueillir ce que nous essaierons de dire aujourd’hui.

 

    La première concerne l’interprétation de la Parole de Dieu. Si nous lisons cette Parole de façon littérale, nous buttons sur des paroles qui heurtent à juste titre notre raison humaine et même notre vision de Dieu. Pour donner un exemple : si nous lisons le récit dit du jugement dernier au chapitre 25 de St Matthieu de façon littérale nous dirons que certains sont les bénis de Dieu et les autres des maudits, alors que le texte nous livre un message différent : d’abord que c’est l’attention à l’autre dans le besoin qui est essentiel et d’autre part  que cette attitude ouvre le coeur de Dieu indépendamment de la croyance religieuse. Ou encore dans la parabole du bon grain et de l’ivraie, Dieu ne sépare pas les gens en deux catégorie mais le message tend à nous faire comprendre que le bon grain et l’ivraie se trouve en chacun. Ainsi, la Parole de Dieu nous livre un message qu’il convient de déchiffrer au-delà de la lecture littérale et souvent en fonction d’autres messages qu’on peut lire à travers l’ensemble des textes bibliques.

 

    L’autre remarque concerne la théologie. Celle-ci est un effort pour tenter de comprendre le message de la Révélation. Si le fond de la Révélation est commun à tous les croyants, disciples de Jésus Christ, la compréhension des affirmations élaborées par l’Église est sans cesse ne travail d’élaboration. Ceci pour dire que la compréhension par l’intelligence humaine des affirmations de la foi est mouvante même dans une même période de l’histoire. C’est ainsi que la théologie se dit au pluriel. L’effort de cohérence qui est le rôle du théologien peut ne pas être le même pour tous ; ces différences demandent à chacun de se faire une idée personnelle quant à la compréhension du mystère de la foi. (cf. le petit récit du Père Ganne)

 

    Une troisième remarque concerne les représentations que nous pouvons nous faire des affirmations de la foi. Il est tout à fait normal de vouloir se « représenter » telle ou telle affirmation de la foi ; notons toutefois qu’une représentation est toujours humaine, à l’intérieur des capacités humaines et donc s’arrête lorsqu’il s’agit de représenter ce qui dépasse l’horizon de l’être humain.

 

    Dernière remarque : le sujet qui nous préoccupe est immense, c’est pourquoi nous ne pourrons en une journée que donner des éléments de réflexion concernant les points qui vous préoccupent.

 

1-Nous croyons en la résurrection

    Notre foi en la résurrection comme en la vie éternelle s’appuie sur les paroles du Jésus lui-même et de ses disciples après la résurrection du Christ. Elles se rapportent d’abord à la résurrection de Jésus lui-même mais aussi à nous. Ces paroles sont très nombreuses. Relevons l’une ou l’autre :

    D’abord cette parole du Christ dans son grand discours sur le pain de vie : « Tous ceux que me donne le Père viendront jusqu’à moi ; et celui qui vient à moi, je ne vais pas le jeter dehors. Car je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. Or, telle est la volonté de Celui qui m’a envoyé : que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour. Telle est la volonté de mon Père : que celui qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. » Jn 6, 37-40. 

 

    Ou encore les paroles de Jésus à Marthe avant la réanimation de son ami Lazare : « Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Elle répondit : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. » Jn 11, 21-27.

 

    Citons enfin la parole de l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe : «Nous proclamons que le Christ est ressuscité d’entre les morts ; alors, comment certains d’entre vous peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, notre proclamation est sans contenu, votre foi aussi est sans contenu ; et nous faisons figure de faux témoins de Dieu, pour avoir affirmé, en témoignant au sujet de Dieu, qu’il a ressuscité le Christ, alors qu’il ne l’a pas ressuscité si vraiment les morts ne ressuscitent pas. Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l’emprise de vos péchés ; et donc, ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non ! le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. 1 Co 15-17.

 

2- Deux questions

    À partir de ces affirmations et de bien d’autres encore, deux questions se posent : Qu’est-ce qui nous dit que ces affirmations sont vraies ? Et seconde question : Quel est le sens, le contenu de ce qu’on appelle une résurrection ?

 

a)Sur quoi s’appuie notre affirmation de la résurrection ? 

    Nous n’avons évidemment aucune preuve tangible. On parle du tombeau vide et des linges bien pliés comme Pierre et Jean les ont vus, mais le texte précise lorsque Jean entre dans le tombeau : « Il vit et il crut » (Jn 20, 5-9) ; c’est la foi qui nous permet d’affirmer la résurrection. Personne comme on dit n’est revenue pour nous en donner la preuve ; nous verrons tout à l’heure que ce qu’on appelle des « apparitions » ne sont pas des preuves évidentes. C’est pourquoi, c’est la foi qui nous permet d’affirmer la résurrection même si elle s’appuie sur des motifs raisonnables. C’est une confiance fondée d’une part sur ce que nous disent de Dieu Jésus et ses témoins et d’autre part sur les transformations que cette certitude de foi a opérées dans la vie des témoins. Reprenons ces deux aspects.

 

    Notre confiance s’appuie d’abord sur les paroles de Jésus et de ses disciples concernant le regard de Dieu sur notre humanité. En effet, les affirmations de la résurrection par Jésus entrent dans ce qu’on peut appeler la destinée humaine telle que l’amour infini de Dieu la désire pour chacun de nous. C’est ainsi que nous pouvons comprendre la cohérence de notre foi en la résurrection et la confiance pour ceux qui en sont les témoins. En effet, si Dieu comme le dit SaintJean est l’amour même, s’il porte cet amour non seulement sur Jésus mais sur toute personne humaine, alors comment ne pas comprendre que son désir vis à vis de ceux qu’il aime, soit de partager sa propre vie. C’est le désir de tout amour de partager avec l’autre ce qu’il y a de meilleur en lui. Si donc Dieu souhaite pour chacun de nous un réel partage de vie, cela doit s’entendre non seulement maintenant de la vie terrestre finie, mais d‘une vie éternelle puisque la vie de Dieu est éternelle. Le fruit de l’amour qu’est Dieu est donc de partager sa vie qui est éternelle. Notre confiance en la parole de Jésus et de ses amis concernant la résurrection s’appuie ainsi sur une profonde cohérence entre cette résurrection et ce qui nous est dit de Dieu à travers la Révélation.

 

    L’autre appui pour croire à la vérité d’une résurrection vient de la transformation de ceux qui adhèrent à cette vision sur Jésus et sur l’homme. Deux exemples : l’un à partir du récit des disciples d’Emmaüs et l’autre à partir du récit de la Pentecôte.

 

    La récit d’Emmaüs en Saint Luc est particulièrement éloquent.  Le changement dans le comportement des deux disciples est spectaculaire. Avant de reconnaître le ressuscité à l’auberge d’Emmaüs, les deux amis sont dans la tristesse et la fuite. La fuite est indiquée à travers le fait qu’ils ont déserté Jérusalem pour fuir ailleurs et la tristesse est exprimée explicitement dans le dialogue avec cet étranger qui les a rejoint sur la route: « Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes » Lc 24, 17. Nous avons donc deux hommes à la fois dans la tristesse et sans espoir « Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé » (v. 21). Or après avoir compris que leur maître était vivant, voilà que tout change pour eux. Curieusement leur première réaction n’est pas la joie de le savoir vivant, mais la changement de leur coeur : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » (v. 32). Ils avaient fui Jérusalem mais alors, « à l’instant même » ils changent de direction et repartent vers Jérusalem, ce qui est précisément la démarche de la conversion (« convertere » se retoourner).

 

    Le récit de la Pentecôte est tout aussi édifiant. Là encore nous voyons les disciples enfermés dans une maison (Jean précise au Chapitre 20, 19, qu’après la mort de Jésus, ils étaient enfermés dans la maison par crainte des juifs). Ils sont sans parole jusqu’au moment où l’Esprit Saint vient leur redonner vie. Alors les portes et les fenêtres s’ouvrent et au nom de tous Pierre prend la parole devant la foule rassemblée devant la maison. 

 

    Comment comprendre la transformation si radicale de ceux qui ont accueilli la résurrection sans y voir, non pas une preuve, mais une confirmation de la confiance que nous pouvons avoir en cette certitude intérieure qui a totalement changé leur vie. C’est alors que notre propre expérience nous montre que notre confiance devient à notre tour la source de notre propre transformation, une transformation qui nous apporte joie et paix.

 

b)Abordons maintenant l’autre question sur le contenu de cette résurrection.

    Pour tenter de comprendre il faut distinguer une résurrection commencée et la plénitude d’une résurrection définitive.

 

    Saint Paul disait aux chrétiens de la ville de Colosse « Dans le baptême, vous avez été mis au tombeau avec lui et vous êtes ressuscités avec lui par la foi en la force de Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts » Co 2, 12. Paul ne dit pas « vous serez ressuscités » mais « vous êtes ressuscités ». Il entend nous dire que notre résurrection est déjà à l’oeuvre en nous. Paul confirme sa pensée dans la même lettre un peu plus loin : «  Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu » Co 3, 1-3. Et dans sa lettre aux Éphésiens (2, 4-6), Paul parle de cette vie avec le Christ dans laquelle, par grâce nous sommes associés et dans sa résurrection et dans sa gloire.

 

    Si nous pouvons identifier notre résurrection avec notre divinisation et encore avec la vie éternelle, il nous faut dire que notre résurrection est commencée dès le premier instant de notre vie. C’est dès le premier instant de notre vie que le petit homme est regardé par Dieu avec amour, et ce regard d’amour est efficace, il laisse en chaque être humain une trace divine, celle qui faisait dire à l’auteur de la Genèse que Dieu a créé l’être humain à sa ressemblance. Si Dieu est l’amour même, nous pouvons dire que cette trace divine est la capacité qui nous est offerte par grâce de pouvoir aimer comme Dieu aime. Nous pourrions dire alors que le travail de résurrection en nous, le travail de divinisation n’est autre que la transformation de tout notre être en cet amour divin.

 

    Lorsque Paul nous dit : «  Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut », ces réalités d’en-haut ne sont pas autre chose qu’une vie de relations aimantes vraies telles que Jésus nous en a donné l’exemple. Ce n’est pas pour rien si Jésus a résumé toute la Loi et les prophètes dans le seul commandement de l’amour de Dieu et du prochain, un amour qu’il a lui-même vécu jusqu’au bout. Après sa résurrection, il demande à ses amis de s’aimer « comme » lui nous a aimés : « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres » Jn 13, 34.

 

    On peut dire également que La résurrection de Jésus était commencée dès le premier instant de sa vie. C’est toute sa vie que Jésus a laissé cet amour divin l’habiter. Parfois ce travail de résurrection en lui était manifeste comme par exemple dans le récit de sa transfiguration (Mt 17, 1-9 ; Mc 9, 2-9 ; Lc 9, 28-36). Déjà la montagne est considérée comme le lieu de la rencontre avec Dieu mais Luc précise que c’est « pendant qu’il priait » que se manifesta extérieurement par l’aspect de son visage et la blancheur de son vêtement la relation aimante que Jésus avait avec son Père. On peut dire que Jésus a vécu devant ses trois amis une expérience mystique qui montrait sa transformation en travail, nous pouvons dire, sa résurrection en travail.

 

    Il convient donc de dire que cette transformation dans l’amour qu’est Dieu est déjà à l’oeuvre en nous chaque fois que nous vivons de cet amour divin. Toutefois cette transformation est limitée en raison de l’aspect limité de notre existence terrestre. Saint Paul le remarque dans sa lettre aux Corinthiens : « Quand viendra l’achèvement, ce qui est partiel sera dépassé... Nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face. Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai parfaitement, comme j’ai été connu » 1 Co 13, 10...12.

 

    Si nous pouvons comprendre comment humblement nous pouvons travailler à notre propre résurrection dès maintenant, qu’en est-il de l’achèvement, de l’accomplissement de la plénitude notre résurrection ?

 

    Dans la mesure où nous disons que cet accomplissement est une participation directe et sans voile à la vie même de Dieu, comme nous ne pouvons pas connaître comment est l’être de Dieu, il nous est impossible de nous représenter ce que sera notre résurrection définitive. Toutes les images qui, au cours de siècles , ont voulu représenter ce qu’est la résurrection ne sont que des images non seulement qui ne disent rien de la réalité de cette plénitude, mais risquent de provoquer une grande confusion dans notre foi de chrétiens.

 

3-Les « apparitions » du ressuscité

    Souvent on évoque les apparitions de Jésus après sa résurrection pour dire comment on sera dans l’état de ressuscité. Nous faisons erreur car ce qu’on appelle les apparitions sont des manifestations humaines du ressuscité c’est-à-dire des manifestations adaptées au caractère humain, terrestre, limité de ceux auxquels Jésus se manifeste. Il suffit de relire l’ensemble des manifestations de Jésus vivant  pour repérer quelques notes pour interpréter ces manifestations. 

 

    La première est que Jésus veut montrer que c’est bien lui. C’est pourquoi il va manifester trois choses : il montre les marques de sa passion par exemple aux disciples au Cénacle et à Thomas ; deuxièmement il se manifeste comme un vivant selon ce que font tous les hommes pour vivre : il mange devant eux. Enfin et c’est capital, il fait appel à leur mémoire. Deux exemples frappants : Marie de Magdala croit voir le jardinier de l’enclos où se trouve le tombeau, jusqu’au moment où cet étranger l’appelle par son prénom « Marie ». Au son de cette voix qui l’appelle par son nom, elle reconnaît que c’est celui qui l’avait appelée et aimée avant sa mort (Jn 20, 16). L’autre exemple encore plus frappant se trouve dans la manifestation de Jésus au bord du lac de Galilée. C’est encore en Saint Jean au chapitre 21. Après la mort de Jésus, selon Jean, les apôtres ont repris leur métier de pêcheurs. Nous retrouvons curieusement le chiffre 7 du nombre des apôtres qui vont à la pêche sur le lac, le chiffre 7 désignant la totalité. Le récit de Jean reprend presque mot pour mot le récit d’une pêche miraculeuse lors de l’appel des premiers disciples tel que Luc le rapporte dans son évangile (Lc 5, 1-12). Jésus leur demande s’ils ont du poisson, ils répondent de la barque « non » car souligne Jean ils n’avaient rien pris de la nuit (v. 3) ; alors Jésus leur dit de jeter le filet du côté droit de la barque et ils prennent une telle quantité de poissons qu’ils n’arrivent pas à ramener le filet. Dans le récit de la pêche miraculeuse en Luc, nous avons les mêmes expressions : ils ont pêché toute la nuit sans rien prendre, Jésus leur demande d’avancer au large et de jeter le filet et ils prennent une telle quantité de poissons que leur filet se déchirait ! Comment ne pas penser que ces apôtres ont fait certainement le rapprochement avec la pêche miraculeuse qui les avaient amenés à suivre Jésus.

 

    Ainsi c’est la mémoire de ce que chacun a vécu avec Jésus qui fait tilt dans leur esprit et dans leur coeur : c’est le même que celui qui a été leur maître  et qui est mort sur une croix. C’est alors que leur foi s’éveille et qu’ils croient que Jésus est vraiment ressuscité, vivant.

 

    Il faut donc éviter de nous représenter notre résurrection selon les caractéristiques des manifestations de Jésus à ses amis : ceux qui sont ressuscités dans le Christ sont en Dieu et si une personne ressuscitée se manifestait aux vivants de ce monde, ce ne peut être qu’à travers des manifestations humaines qui disent la réalité de la résurrection, mais rien de la façon dont nous sommes comme ressuscité. Nous en reparlerons cet après-midi même les pages de Saint Paul pour décrire la résurrection restent des paroles humaines loin de la réalité qui nous dépasse.

 

 

 

Notre-Dame de la Gare

Journée avec les accompagnateurs du Catéchuménat

le dimanche 22 Mai 2016

 

 

-II- Questions autour de la résurrection

 

1-Pas de représentation de la résurrection 

2--La résurrection de la chair

3-La vie éternelle

4--La jugement particulier et le jugement général

5-Le retour du Christ

 

 

    Les chrétiens des premiers siècles se posaient les mêmes questions que nos catéchumènes : comment être sûrs que Jésus est ressuscité, allons-nous, nous aussi ressusciter, sous quelle forme, qu’en est-il de notre forme corporelle, y a-t-il un jugement par Dieu, quand ce jugement a-t-il lieu, à la mort ou à la fin des temps... L’apôtre Paul, dans le chapitre 15 de sa première lettre aux Corinthiens a tenté d’y répondre en utilisant les connaissances qu’il pouvait avoir à son époque. Il est intéressant de voir comment cet esprit particulièrement intelligent qu’est Paul a parlé de la résurrection ; il faut toutefois prendre conscience que les termes qu’emploie Paul ne peuvent être repris dans notre culture et notre langage moderne. Reprenons les questions que se posaient et que se posent encore les chrétiens concernant la résurrection.

 

1-Pas de représentation de la résurrection

    En terminant notre rencontre de ce matin nous disions qu’il fallait éviter de nous donner des représentations de la résurrection. Reprenons quelques instants cette affirmation. Il est clair que nous cherchons toujours à nous représenter ce que nous pensons et c’est normal, même si nous savons que ces représentations sont très loin de la réalité. C’est ainsi que les hommes ont cherché de tous temps à se représenter Dieu. Nous savons en tous cas aujourd’hui que ces représentations, si elles alimentent l’imagination, n’ont rien à voir avec la réalité qui nous a été révélée. S’il est possible de se représenter Jésus car il a été vraiment un homme comme nous, les représentations de la Trinité risquent de nous égarer : Dieu le père en vieil homme barbu, ou même l’Esprit sous des formes variées ( la nuée, l’ombre, la colombe, le feu...), s’ils peuvent nous faire comprendre certains attributs divins (pour le père, le fait d’engendre ou pour l’esprit la réalité d’une présence qui unit, ces représentations ne disent rien de ce qu’est réellement l’être de Dieu.

 

    Lorsque Philippe demande à Jésus : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. » et quand Jésus lui répond : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : “Montre-nous le Père” ?, Jésus n’entend pas dire à son ami que Dieu Père ressemble physiquement à lui, ce serait une aberration. Il entend dire qu’en regardant Jésus vivre, ceux qui le suivent sont sur un chemin de vérité qui conduit au Père et aussi qu’en étant unis à Jésus, le Fils bien aimé, ils sont en véritable relation d’amour avec Dieu.

 

    Si donc nous croyons que dans notre pleine résurrection, nous serons en Dieu participant à l’être même de Dieu, il nous est impossible de pouvoir représenter comment nous sommes ressuscités pas plus que nous pouvons nous représenter l’être de Dieu.

 

2--La résurrection de la chair

    Nous trouvons cette affirmation dans le credo dit des Apôtres : « Je crois à la résurrection de la chair ». Cette formule n’a certainement pas comme but de nous dire que nous ressuscitons dans notre chair biologique. Saint Paul a tenté des formules qui ne sont pas très satisfaisantes ; il écrit : « Mais quelqu’un pourrait dire : « Comment les morts ressuscitent-ils ? avec quelle sorte de corps reviennent-ils ? » Réfléchis donc ! Ce que tu sèmes ne peut reprendre vie sans mourir d’abord ; et ce que tu sèmes, ce n’est pas le corps de la plante qui va pousser, mais c’est une simple graine : du blé, par exemple, ou autre chose... Il y a plusieurs sortes de chair : autre est celle des hommes, et autre celle des bêtes, autre celle des oiseaux, et autre celle des poissons. Il y a des corps célestes et des corps terrestres, mais autre est l’éclat des célestes, autre celui des terrestres... Ainsi en est-il de la résurrection des morts. Ce qui est semé périssable ressuscite impérissable ; ce qui est semé sans honneur ressuscite dans la gloire ; ce qui est semé faible ressuscite dans la puissance ; ce qui est semé corps physique ressuscite corps spirituel ; car s’il existe un corps physique, il existe aussi un corps spirituel » 1 Co 15, 35-44. Voilà une belle tentative par l’apôtre Paul. Mais l’expression « corps spirituel » ne nous avance guère car notre question demeure : qu’est-ce que c’est un corps spirituel ? Cependant, sans vouloir décrire un corps ressuscité, nous pouvons comprendre pourquoi les chrétiens ont mis cette affirmation dans la profession de foi.

 

    À l’époque des premiers siècles de l’Église, ceux qui élaboraient une pensée logique étaient fortement marqués par les théories de Platon. Pour ce grand philosophe du  4ème siècle avant Jésus Christ, l’être humain est composé d’un corps et d’une âme immortelle ; le corps est peu considéré car il est plutôt un obstacle à l’émancipation de l’âme. À cette pensée platonicienne s’oppose la pensée dans la culture sémite (donc dans la culture de Jésus et des apôtres) pour qui il ne peut pas y avoir de séparation dans la personne humaine. En simplifiant, nous pourrions dire que l’être humain est composé d’un corps pour les réactions sensibles, d’un esprit pour la réflexion de l’intelligence et d’une âme pour s’ouvrir à la transcendance. Chez les sémites et donc chez les premiers disciples de Jésus, juifs comme lui, il est impensable de séparer ces trois éléments de l’humain. Aussi, pour affirmer cette unité, les chrétiens ne pouvaient pas écarter le corps de la résurrection totale de l’homme. C’est toute la personne, tout le « je » de chacun de nous, un « je » qui est construit à partir et du corps et de l’esprit et de l’âme, qui doit mourir afin de ressusciter dans la vie même de Dieu. D’où la formule  « la résurrection de la chair pour bien montrer que tout l’être humain est transformé par l’amour, dans l’amour, dans la vie de Dieu. Alors ne cherchons pas à chosifier cette résurrection dont la réalité nous échappe profondément.

 

3- La vie éternelle.

    Nous avons déjà dit ce matin que les trois mots de résurrection, divinisation, vie éternelle, s’ils parlent différemment du partage de la vie de Dieu, se rapportent à une même réalité. Dans l’évangile, Jésus parle de la vie éternelle et il la définit dans le fameux discours après la Cène en Saint jean : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » Jn 17, 3. Nous savons que dans la Bible, le verbe « connaître » désigne une connaissance intime et il est employé pour dire l’union de l’homme et de la femme. Ainsi Marie dira à l’ange qu’elle ne « connait » pas d’homme, signifiant qu’elle n’a pas eu de relation intime, charnelle avec un homme. Ainsi pour Jésus et pour nous, la vie éternelle, c’est la participation à l’intime de Dieu, à la vie même de Dieu, à l’être même de Dieu.

 

    C’est ainsi que l’éternité est un attribut de Dieu seul. Avoir la vie éternelle, c’est participer à ce qu’est Dieu et lui seul. De là découlent plusieurs conclusions. La première est que s’il n’y a d’éternité qu’en Dieu, ainsi il ne peut pas y avoir d’éternité si on n’est pas « en » Dieu. Ainsi, parler de peine éternelle, est impropre, on pourrait peut-être parler de peine infinie ou indéfinie, mais pas d’éternelle qui suppose d’être avec, en Dieu. 

 

    Une autre conséquence est que nous avons déjà quelque chose d’éternel en nous. Cela est affirmé toujours en Saint Jean au chapitre trois où la vie éternelle n’est pas donnée au futur mais au présent : « Celui qui croit au Fils « a » la vie éternelle » Jn 3, 36. Ceci est cohérent avec ce que nous avons dit d’une résurrection déjà à l’oeuvre dès le premier instant de notre vie. Il y a quelque chose de Dieu et dont d’éternel qui habite le coeur de toute personne humaine. Ce qui veut dire que nous manifestons du divin en particulier chaque fois que nous aimons à la manière de Dieu, c’est-à-dire chaque fois que la part de nous-même créée à la ressemblance de Dieu s’exprime à travers nos paroles et nos actes. Dans ces moments, nous participons réellement à quelque chose de Dieu lui-même, à sa vie éternelle ; ainsi d’une certaine manière, dans ces moments, nous »sortons » du temps pour partager un peu ce qui déborde le temps, ce qui est vie éternelle en Dieu.

 

    L’éternité n’est pas dans le temps de notre univers c’est pourquoi, nous ne pouvons pas comprendre ce qu’est l’éternité. Nous pouvons comme nous le disions il y a un instant parler en termes mathématiques d’infini ( un nombre infini) représenté par un signe    , mais l’infini se rapporte au temps, à une chronologie alors que l’éternité est totalement en dehors de notions de temps. Il faut accepter de n’avoir de Dieu et de ce qui touche à Dieu que des notions imparfaites que nous ne pouvons pas comprendre mais qui nous ouvrent justement sur une autre réalité à laquelle nous pouvons accéder mais seulement par la confiance en la Parole de la Révélation.

 

    C’est ainsi que nous pouvons avoir diverses interprétations des notions de purgatoire et d’enfer. Certains pensent que la mort nous place devant le jugement de Dieu et nous envoie dans un lieu et un temps de purification ou de peine définitive. Je pense plus cohérent de dire que, dans l’instant de notre mort, nous sommes placés devant Dieu sans voile et le choix définitif se joue dans ce moment de la mort. C’est dire que la purification nécessaire se joue dans le moment de la mort en dehors de toute référence au temps. Disons un mot de ce que peut être un jugement.

 

4-Le jugement particulier et le jugement général

    Certes, dans la Bible, nous trouvons de nombreux passages concernant le jugement. Matthieu et Luc parlent du jour du jugement indiquant que les villes païennes seront moins sévèrement jugées que ceux de la maison d’Israël qui auront refusés d’accueillir les disciples de Jésus venus les visiter. Le fameux chapitre 25 de Matthieu est appelé le jugement dernier où l’on voit le Fils de l’homme séparer les brebis des chèvres, les uns étant les bénis de Dieu et les autres les maudits ; et le texte se termine par ces mots « Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes à la vie éternelle ». Cependant d’autres passages de l’évangile modifient notre vision du jugement. Ainsi en Saint Jean, dans le dialogue entre Jésus et Nicodème, Jésus affirme que «Dieu n’a pas envoyé son Fils pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » Jn 3, 17.

 

    On a souvent représenté le jugement comme Dieu tenant une balance devant chaque personne humaine et portant une sentence selon que la balance penche d’un côté ou de l’autre. Ce n’est pas ainsi que Jésus nous a représenté notre Père. Je pense plutôt que, placé devant l’amour infini de Dieu pour moi, amour qui m’a accompagné à chaque instant de ma vie, je prends conscience de tout ce qui m’a détourné de répondre à cet amour et j’en éprouve une peine immense proportionnée au mal que j’ai pu faire. Je prends conscience de tout ce que j’ai manqué et j’en éprouve une grande souffrance morale. Cette souffrance peut être appelé une purification nécessaire, un « purgatoire » qui m’accordera enfin à l’amour de Dieu et me permettra de participer pleinement à sa vie éternelle.

 

    Quant à l’enfer, la liberté humaine implique que le choix de Dieu soit toujours un choix libre même si devant l’amour infini de Dieu pour moi, je ne vois pas comment je pourrai dire non. Mais si, par impossible, cela se produisait, alors, n’étant plus une créature terrestre et ne partageant plus la vie de Dieu, seul le néant serait mon sort.

 

    Quelle différence entre un jugement particulier et un jugement général à la fin des temps. Sans vouloir donner des explications sur une réalité qui nous dépasse, notons que le vocabulaire est ambigüe, le mot jugement peut avoir des sens différents ; il peut avoir un sens juridique, c’est alors une sentence qui condamne ou acquitte, mais le mot a un autre sens, on parle d’un bon jugement, il s’agit alors d’une appréciation de la réalité. Ne pourrait-on pas dire que ce qu’on appelle le jugement dernier correspond à ce dernier sens : il serait l’appréciation sur l’ensemble de la création. Dans ce sens comment ne pas évoquer cette parole de la Genèse  à la fin de la création, au « dernier jour « Dieu vit tout ce qu’il avait fait. Voilà, c’était très bon » Gn 1, 31. Le jugement dernier ne serait-il pas l’affirmation d’un accomplissement et le jugement porté sur l’ensemble de l’oeuvre de Dieu accomplie en collaboration avec l’homme participant à la création que Dieu ne cesse de faire.

 

5-Le retour du Christ

    Dans la Bible, il est souvent question de la fin des temps ou encore du dernier jour. Nous sommes dans l’hypothèse d’une fin de l’humanité, fin qui est tout à fait possible et même probable même s’il nous est impossible de déterminer comment ou quand. Cependant les écritures apocalyptiques parlent de cette fin des temps. L’hypothèse n’est pas mince car aussi bien l’astrophysique que l’étude du vivant la formule. Pour ce qui concerne l’univers, deux hypothèses sont avancées : l’une est que l’univers est en permanente extension qu’il a donc une durée illimitée, l’autre est que notre univers est cyclique et qu’après une période d’extension, il devrait se rétrécir jusqu’au point zéro de départ et peut-être recommencer. Une autre hypothèse serait un cataclysme cosmique renvoyant l’univers dans le néant !!! Quant au vivant malgré des hypothèses de trans-humanisme, la loi est que le vivant nait, grandit, vieillit et meurt, ceci étant valable non seulement pour chaque individu mais aussi pour les espèces vivantes.

 

    Cependant, la théologie penche pour une fin de l’humanité en particulier en raison de cette belle vision du Corps du Christ selon laquelle le Corps du Christ doit grandir jusqu’à un terme qui sera l’âge parfait de ce Corps. Saint Paul le suggère dans sa lettre aux Éphésiens. Il dit que Jésus est descendu et monté du ciel afin de nous offrir ses dons « pour bâtir le corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’adultes, à la taille du Christ dans sa plénitude » Ep 4, 12-13. Cette accomplissement de l’humanité est encore exposé chez Saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens : parlant de la résurrection, Paul explique : « De même que tous les hommes meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort, car il a tout mis sous ses pieds. Mais quand le Christ dira : « Tout est soumis désormais », c’est évidemment à l’exclusion de Celui qui lui aura soumis toutes choses. Et, quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous » 1 Co 15, 22-28.

 

    C’est la vision de Jean dans le livre de l’Apocalypse lorsque l’auteur parle d’un ciel nouveau et une terre nouvelle et de la Jérusalem nouvelle. C’est cette nouvelle création radicalement nouvelle et qui associe l’univers entier à la gloire de Dieu.

 

    Toutefois, cette vision apocalyptique a mis du temps à se comprendre. En effet, la pensée des juifs à l’époque de Jésus était que cette fin des temps correspondrait à la venue d’un Messie qui rétablirait la puissance et la royauté d’Israël. Il s’agissait moins d’une fin de l’humanité que d’une fin des souffrances du peuple de Dieu. Les disciples de Jésus croyaient que puisque Jésus était ce Messie attendu par les prophètes, la fin des temps était imminente. Saint Paul comme tous les disciples de Jésus étaient persuadé de l’imminence du retour du Christ Messie. Nous en avons un exemple très clair dans sa première lettre aux Thessaloniciens où Paul écrit : « Car, sur la parole du Seigneur, nous vous déclarons ceci : nous les vivants, nous qui sommes encore là pour la venue du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui se sont endormis. Au signal donné par la voix de l’archange, et par la trompette divine, le Seigneur lui-même descendra du ciel, et ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront d’abord. Ensuite, nous les vivants, nous qui sommes encore là, nous serons emportés sur les nuées du ciel, en même temps qu’eux, à la rencontre du Seigneur. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur » 1 Th 4, 15-17. Paul pensait donc clairement qu’il serait encore vivant lors du retour du Christ. Cette vision a occupé la pensée des disciples de Jésus jusqu’au moment où cette fin attendue n’arrivant pas, ils ont dû changer leur vision pour reporter le retour du Christ à une fin des temps totalement incertaine.

 

    Nous n’avons aucune précision sur ce retour du Christ. Nous pouvons toutefois penser qu’il ne s’agit plus comme cela a été pensé d’un retour dans le monde créé de notre univers, mais dans un accomplissement du projet de Dieu exprimé comme nous l’avons dit plus haut par l’âge parfait du Corps du Christ, et par le fait que Dieu sera tout en tous.

Publié dans Conférences

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