2e Journée spirituelle - 9 décembre 2020

Publié le par Père Maurice Fourmond

2e semaine : « Convertissez-vous »

 

Matin : le personnage de Jean-Baptiste

 

La deuxième semaine de l’Avent est marquée par le personnage de Jean-Baptiste. Dans notre foi chrétienne, Jean-Baptiste est une figure importante, non seulement parce qu’il a préparé les chemins du Christ, mais parce que sa vocation éclaire notre propre vocation de disciples de Jésus et la vocation de l’Église.

Je voudrais avec vous aujourd’hui écouter Jean-Baptiste, ce matin dans sa vie et cet après-midi sans son message.

Si nous voulions décrire la personnalité de Jean-Baptiste je pense que quatre traits majeurs ressortent que nous pouvons méditer et faire nôtres pour construire notre vie spirituelle. Le premier est la force et le courage de Jean pour annoncer la proximité du royaume de Dieu et la nécessité de répondre sans tarder à l’amour du Seigneur ; le second est son humilité ; le troisième sa liberté et le quatrième, son détachement. Ces quatre traits, Jean va les vivre dans un souci de vérité. C’est parce qu’il est « vrai » que Jean est à la fois courageux, humble, libre et détaché. Ces traits de Jean qui sont aussi les caractéristiques de Jésus, son cousin, devraient être les caractéristiques de notre Église et habiter chacun de nous. Reprenons-les brièvement.

 

La force, le courage de Jean dans l’annonce de ce qu’est Dieu et ce qu’il attend de nous. C’est avec courage que Jean montre qu’un changement, une conversion de notre vie sont nécessaires si nous voulons vivre dans la vérité de Dieu. Jean-Baptiste n’a pas peur de dire la vérité à ceux qui viennent recevoir un baptême de conversion. Comme son cousin Jésus, Jean ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’agit de faire prendre conscience à ceux qui l’approchent du dysfonctionnement de leur vie. Il est même dur dans ses propos : « Voyant beaucoup de pharisiens et de sadducéens se présenter à son baptême, il leur dit : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc un fruit digne de la conversion. » (Mt 3 7-8). Ainsi lorsqu’il propose un baptême de conversion à tous ceux qui viennent à lui, il a le courage de montrer à chacun les défaillances de sa vie. Au risque de déplaire comme cela lui arrivera avec Hérode qu’il accusa d’avoir pris la femme de son frère.

 

Devant nos faiblesses, nos défaillances, trop souvent ou bien nous nous culpabilisons à l’excès et nous pensons que nous ne sommes rien, que notre vie est nulle, ou bien au contraire, nous regardons nos actes défectueux avec indulgence en pensant : ce n’est pas trop grave ou je suis comme cela, ce n’est pas ma faute et autant d’excuses qui soulignent notre faiblesse. Comme nous le demande Jean-Baptiste, il importe de regarder notre vie avec le regard de Dieu qui est un regard juste, parce que c’est un regard d’amour. Dieu, pour nous aimer, ne partage pas notre vie en deux, ne nous aimant qu’à certains moments, les meilleurs. Il nous aime tels que nous sommes avec nos fragilités, nos erreurs et même nos fautes ; c’est parce qu’il nous aime qu’il porte ce regard de vérité mais aussi d’espérance et de confiance sur notre vie. Nos erreurs ou nos fautes ne diminuent en rien l’amour que Dieu nous porte ; seulement Dieu a de la peine pour nous lorsque nous abîmons notre vie par négligence, par paresse ou par fragilité, mais il continue à espérer en nous. Nous pouvons dire merci à Dieu lorsqu’un frère ou une sœur nous montre nos propres défaillances, lorsqu’ils nous placent devant la vérité de tel ou tel comportement loin de l’évangile. Merci, Seigneur pour l’espérance que tu mets en nous. Ton espérance est certainement le moteur le plus puissant pour nous remettre debout et continuer notre marche.

 

L'humilité de Jean-Baptiste est particulièrement marquée lorsqu’il doit définir la place qu’il occupe auprès de son cousin Jésus. Rappelons-nous ces paroles émouvantes : « Il faut qu’il croisse et que je diminue », « Je ne suis pas digne de dénouer les courroies de ses sandales » « Je ne suis pas la lumière mais celui qui désigne la lumière » ... Là encore Jean se met sous le signe de la vérité de ce qu’il est. Il ne prétend pas être le Messie mais seulement celui qui l’annonce et prépare le chemin. Il ne veut pas être le propriétaire de sa parole prophétique car il accomplit simplement la vocation qu’il a reçue. On dit à juste titre : l’humilité, c’est la vérité. Nous avons tous tellement tendance à nous approprier le bien qu’il nous est donné de faire. Certes nous pouvons nous réjouir si telle attitude, telle parole de notre part a pu éclairer et soutenir un frère ou une sœur , mais il faut rapporter à Dieu le bien car il n’est pas notre œuvre, mais l’œuvre de l’Esprit même si nous en avons été un bon instrument. Rappelons-nous la parole de Paul : « As-tu quelque chose sans l’avoir reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te vanter comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1 Co 4, 7). Pour être humble, il convient de tenter de rester vrai sur le regard que nous portons sur nous-mêmes.

 

Jean Baptiste est libre parce qu’il est vrai. C’est la peur de la vérité sur nous-mêmes comme sur les autres qui nous lie. Accepter de vivre dans la vérité dénoue les liens qui nous entravent. Le mensonge sur nous-mêmes comme sur les événements, nous rend esclaves. Nous savons que Satan est le père du mensonge et que le suivre fait de nous des prisonniers. Ce n’est pas sans raison si l’action du Christ Jésus est une action de libération. Certes, cette liberté comporte un risque, celui de déplaire aux puissants de ce monde avec les conséquences qui en découlent., Cette liberté de Jean, comme la liberté de son cousin Jésus, lui vaudra d’être emprisonné comme nous l’avons dit tout à l’heure.

C’est cette recherche de la vérité en soi qui nous permet de nous reconnaître tels que nous sommes avec nos générosités comme aussi avec nos faiblesses. L’humilité ne consiste pas à noircir sa vie mais à accepter de la regarder dans la vérité, avec le regard de Dieu. Et ce regard de vérité nous rend libres comme le dit Jésus : « Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres » (Jn 8, 32). Paul le rappelle fortement aux chrétiens Galates : « Vous, frères, vous avez été appelés à la liberté. Mais que cette liberté ne soit pas un prétexte pour votre égoïsme ; au contraire, mettez-vous, par amour, au service les uns des autres. » (Ga 5, 13).

 

Enfin une caractéristique de Jean Baptiste est son détachement. Il ne se sent pas propriétaire de ceux qu’il aide à se convertir. Il est à la fois attaché à ceux qui viennent à lui car il les aime, et en même temps détaché car il sait que l’important, ce n’est pas lui, mais Dieu et la place de Dieu dans la vie des personnes qu’il rencontre. C’est ainsi qu’il va laisser ses propres disciples le quitter pour suivre Jésus et cela dans la joie de son cœur. Se retirer pour laisser se faire la rencontre avec le Seigneur avec l’autre, est ou devrait être une caractéristique de notre Église. C’est le contraire du sentiment de propriété qui est la tentation de tous ceux qui ont une influence sur autrui. C’est la tentation souvent des prêtres avec l’abus de pouvoir dont on sait les méfaits. Se détacher non seulement n’est pas une marque d’abandon, mais tout au contraire la marque la plus belle d’un amour authentique. N’est-ce pas le rôle des parents qui aiment leurs enfants.

 

Alors, essayons de nous mettre à l’exemple de Jean-Baptiste. Comme Jean, il faut tenter de nous situer dans la vérité de ce que nous sommes, sans crainte, sans culpabilité excessive comme sans fausse indulgence, mais comme Dieu nous voit, c’est-à-dire dans l’espérance d’un amour qui fait grandir et qui pardonne. L’évangile nous montre que Jésus avait toujours ce regard de vérité et en même temps qui ouvrait un avenir à tous ceux qui venaient à lui. Nous avons un très bel exemple dans le récit de la femme adultère où Jésus situe cette femme dans la vérité de sa vie mais en même temps il lui ouvre un avenir : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va et désormais ne pèche plus » (Jn 8, 11). À travers cette parole, Jésus manifeste sa confiance en cette femme. La parole « Désormais ne pèche plus » n’est pas une injonction du Seigneur, un impératif, Jésus veut dire par là : « je te fais confiance, je crois que tu vas t’efforcer de mieux vivre. » Par cette parole d’espérance il lui ouvre un avenir que les pharisiens lui refusaient en la condamnant à être lapidée. Nous savons que le pardon de Dieu n’est jamais culpabilisant, mais qu’il est une parole d’espérance de Dieu sur nous. Le pardon de Dieu est cette étonnante confiance que Dieu nous fait, non pas en oubliant notre péché, mais en inscrivant au creux de notre propre péché, de notre propre faiblesse, toute la puissance de son espérance et de sa confiance en nous.

 

Quant à la tentation de se sentir propriétaire de celui ou celle que nous avons aidé, c’est une tentation très courante avec cette formule « après tout ce que j’ai fait pour lui, pour elle, il ou elle me doit bien ceci ou cela ! » Tel n’est pas le don gratuit de Dieu pour nous. Entrons dans la gratuité du don qui est caractéristique de Dieu et qu’il nous est tellement difficile d’accepter tant on voudrait mériter et ne devoir rien à personne, pas même à Dieu.

Accepter de donner et de recevoir gratuitement, sans raison est une attitude qui s’apparente à Dieu et est pour cela tellement difficile à accepter.

 

Après-midi : l’appel à la conversion

 

Nous avons dit ce matin quelques mots sur la personne de Jean-Baptiste. Jean lançait un vigoureux appel à la conversion. Réfléchissons cet après-midi sur cette conversion à laquelle Dieu nous invite particulièrement en ce temps de l’Avent.

Étymologiquement, le mot de conversion veut dire « se tourner vers », se « retourner ». Il a donc une double signification. La première consiste à aller d’aller à la rencontre de quelqu’un, à se tourner vers quelqu’un et la seconde, celle d’un changement parfois radical ; par exemple il est dit des deux disciples d’Emmaüs : ayant reconnu Jésus vivant, « à l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. » (Lc 24, 33), cette Jérusalem qu’ils avaient fuie le matin même. Nous trouvons dans ce récit d’Emmaüs la double signification de la conversion : d’abord la rencontre avec quelqu’un, avec Jésus ressuscité, rencontre qui a donné à Cléophas et son compagnon la volonté de retourner à Jérusalem avec tous les risques de ce retour. La conversion implique donc une rencontre et un changement de comportement, la première étant la condition de la vérité du changement dans notre vie.

 

Dans le vocabulaire chrétien, nous trouvons également d’autres mots qui disent une conversion : on désignera une conversion par le passage de la non-foi à la foi. Un converti est quelqu’un qui, ayant été incroyant, devient croyant. Nous savons que ce passage ne peut se faire sans l’expérience d’une rencontre personnelle avec le Seigneur. Comprenons que cette rencontre peut être bien différente selon les personnes ; elle peut être plus sensible pour certaines ou plus dépouillée pour d’autres. Autre était la rencontre de Dieu au mont Sinaï ou celle d’Élie dans sa compétition avec les prêtres de Baal et la rencontre d’Élie à l’Horeb, « dans un fin silence ». Comme pour les disciples d’Emmaüs, cette rencontre va provoquer un changement de mentalité et de comportement pour les ajuster à celui que nous avons rencontré, nous ajuster à sa parole, à son évangile, à son exemple.

Cette conversion est parfois un moment fulgurant, mais il a été préparé au cours d’un long cheminement parfois inconscient. Ainsi On peut dire que sur le chemin de Damas, la conversion de Paul fut immédiate. Mais nous savons qu’elle a été préparée par l’effort de vérité et la détermination de Paul. La conversion est un chemin. C’est ainsi qu’on n’a jamais fini de se convertir, ce qui veut dire qu’on est toujours en démarche de conversion. J’ai à me convertir jusqu’au dernier moment de ma vie. Aucun de nous ne peut dire : voilà, j’ai achevé ma conversion, je suis pleinement converti ! Nous ne le serons que dans la rencontre éblouissante et définitive avec notre Dieu au jour de notre mort. Reprenons ces deux aspects de notre conversion : notre relation de foi avec Dieu et les changements dans nos comportements.

 

1 - La conversion comme passage de la non-foi à la foi ou d’une foi imparfaite à une foi plus juste

Peut-être pensons-nous que la conversion comme passage de la non-foi à la foi ne nous concerne pas. Dans la sincérité de notre cœur, nous pensons que nous avons vraiment foi en Jésus le Christ et en sa parole de vérité qui ouvre notre vie sur un Dieu dont l’amour est infini. Nous avons raison, cependant, si nous réfléchissons, nous prenons conscience que notre foi toute sincère qu’elle soit, d’une part a du mal à investir la totalité de notre existence et d’autre part doit se construire jour après jour. La foi n’est pas seulement un moment décisif de notre vie : elle a à se vivre, à se construire, à s’approfondir à chaque instant.

 

Faire en sorte que notre foi investisse toute notre vie est un travail difficile car « investir toute notre vie demande que la présence de Dieu, que l’évangile soient au centre de nos actes et de notre pensée. Or, les obstacles sont multiples ; en effet, notre vie est sans cesse sollicitée par de multiples soucis, par les exigences de la vie quotidienne, d’autant plus que les diverses dépendances qui pèsent sur notre vie et qui ont fait que nous sommes dans un Ehpad font que nous avons des difficultés à maîtriser notre vie. Autre obstacle : notre intelligence qui a du mal à entrer dans le mystère de Dieu et interroge souvent notre raison, tant certaines affirmations de la foi, n’étant pas évidentes, résistent à notre logique humaine.

 

La faiblesse de notre foi peut venir également de la faiblesse de notre relation avec Dieu. Nous avons parfois l’impression que nous sommes peu présents à cet amour qui nous sollicite sans cesse, l’impression que cet amour n’habite pas toujours ce que nous disons ou ce que nous faisons. C’est pourquoi, faire grandir notre foi, c’est aussi s’efforcer de garder au plus profond de notre cœur un amour vrai pour le Seigneur, présent dans toute notre vie ; cette présence permanente n’empêche pas d’être totalement présent à ce qu’il convient de faire à chaque moment. N’est-ce pas ce que vivent tous ceux qui aiment. L’amour n’est pas une relation vécue à certains moments et pas à d’autres, même si les manifestations de l’amour exigent des moments d’intimité. Celui qui aime garde présent son amour à chaque moment de la journée, ce qui n’empêche nullement d’être totalement présent aux diverses tâches et rencontres que nous sommes amenés à vivre. Il s’agit « d’être habité ».

 

Je me dis moi-même souvent : comment, si je crois profondément à ce Dieu sans cesse présent dans ma vie, ce Dieu qui donne la vie et l’être à toute chose, ce Dieu qui est tellement au-dessus de tout et qui pourtant m’invite à partager sa vie divine, comment je peux l’oublier si souvent ? Je comprends alors mieux la vocation des moines ou des moniales qui consacrent toute leur vie à la contemplation et à la louange de Dieu même si je pense que cette habitation permanente n’est pas plus facile aux moines ou moniales qu’à nous.

 

Nous pouvons donc prendre conscience de l’appel de Jean-Baptiste à cette conversion qui consiste à vivre plus intensément de la présence permanente de Dieu en nous, de la présence de l’amour infini qu’il porte à chacune et à chacun de nous. Cette présence, cette proximité de Dieu sont rappelées par Jean-Baptiste à travers cette parole : « Convertissez-vous, car le royaume de Dieu est tout proche » (Mt 3, 2). Le Royaume de Dieu n’est pas en dehors de Dieu, il est en Dieu, il s’identifie à Dieu lui-même. Dieu est toujours proche de chacun de nous, c’est nous qui nous mettons à distance de Lui comme le dit saint Augustin. Cette prise de conscience n’est pas une fabrication de notre esprit, mais c’est un acte de foi et donc inspiré par l’Esprit Saint. Essayons d’être dociles à cette invitation de l’Esprit pour notre joie et notre bonheur.

 

Devant la faiblesse de notre foi il nous faut sans cesse demander au Seigneur de nous aider à la faire grandir et à nous convertir. Nous en parlions la semaine passée en rappelant le récit des disciples dans la barque ballottée par le vent et la tempête, nous avions rappelé la parole de Jésus : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » (Mc 4, 37-41). Jésus montre ainsi à ses amis que leur confiance en leur maître est encore bien fragile puisqu’à la première difficulté, ils ont peur et leur confiance est ébranlée. Nous aussi, nous sommes bien souvent, comme les amis de Jésus, ébranlés dans notre confiance en Dieu. C’est pourquoi il nous faut bien souvent redire les paroles des apôtres à Jésus : « Augmente en nous la foi. Jésus leur répondit : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : Déracine-toi et va te planter dans la mer, et il vous aurait obéi » (Lc 17, 5-6). Les miracles que notre foi peut réaliser ne sont pas des choses magiques, mais la transformation en nous de ce qui abîme notre vie pour la faire grandir dans cet amour divin qui nous habite. Cette transformation est à la fois l’œuvre de l’Esprit Saint et l’œuvre de notre désir soutenu par notre volonté. « Rien sans toi » est l’expression pour Dieu de reconnaître notre dignité.

 

2 - La conversion est aussi un changement de comportement

À côté de cette conversion qui fait grandir notre foi, la conversion demandée par le Baptiste est aussi un changement de comportement. Comme nous le disions ce matin, les paroles de Jean sont claires et exigeantes ; nous lisons chez Luc : « Les foules lui demandaient : « Que devons-nous donc faire ? » Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! » Des publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) vinrent aussi pour être baptisés ; ils lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. » Des soldats lui demandèrent à leur tour : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. » (Lc 3, 10-14).

 

En ce temps de l’Avent, nous pouvons demander comme les foules de l’évangile : Seigneur « que devons-nous donc faire ? », qu’est-ce que je dois faire pour être « ajusté » à Dieu, pour être une femme, un homme « juste » devant Dieu ? Cette question n’est pas évidente compte tenu de notre situation ici à Marie-Thérèse car nous faisons la dure expérience de nos limites. Cependant, nous pouvons, dans la situation où nous sommes, repérer trois secteurs où il nous est possible d’interroger notre comportement évangélique et donc de nous convertir et de grandir en sainteté : il s’agit de notre relation avec Dieu, de nos relations avec ceux qui nous entourent, c’est-à-dire le personnel soignant, les résidents, nos familles, nos amis, et enfin notre propre manière de nous situer dans cette situation qui est la nôtre.

 

Vous avez sans doute remarqué que les changements de comportement demandés par Jean Baptiste sont différents selon la situation de ceux qui demandent le baptême de conversion. Vous avez aussi remarqué que ces comportements concernent essentiellement les relations avec les autres : partager un vêtement, ne pas extorquer son prochain pour le, ne faire violence à personne. Nous savons que notre amour pour Dieu se manifeste dans l’amour que nous avons vis-à-vis de ceux qui nous entourent et qui sont les enfants bien-aimés de Dieu. Il s’agit donc toujours d’une attention à l’autre, d’un service de l’autre. N’est-ce pas le message contenu dans le récit dit « du jugement dernier » en saint Matthieu au chapitre 25 : « J’avais faim et vous m’avez donné à manger… » Nous sommes donc interrogés sur la qualité évangélique des relations que nous avons ici à Marie-Thérèse.

 

Que veut dire « la qualité évangélique » ? Nous avons un modèle, Jésus lui-même. Il ne s’agit pas de reproduire les gestes ou les paroles de Jésus qui étaient évidemment en fonction de son époque et de son histoire. C’est aux collecteurs d’impôts que Jean Baptiste demande de n’extorquer personne, c’est à des militaires qu’il demande de ne pas user à tort de violence, d’être juste dans la façon d’exercer leur fonction. Il s’agit d’être habités par les mêmes sentiments que Jésus. Rappelons-nous ce que l’apôtre Paul disait aux chrétiens de la ville de Philippe : « Ne soyez jamais intrigants ni vaniteux, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts ; pensez aussi à ceux des autres. Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus : Le Christ Jésus. » (Ph 2, 3-5). Avoir les mêmes dispositions qui sont dans le Christ Jésus, ou du moins essayer d’en vivre, n’est-ce pas cela cette conversion, ce changement de comportement qui nous est demandé. N’est-ce pas ce qui est dit dans le chapitre 25 de Matthieu sur le jugement dernier que j’évoquais il y a un instant. Quand Jésus affirme « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Ainsi, chaque fois que nous avons eu des gestes pour aider un frère, une sœur, notre manière de vivre est évangélique et traduit en acte les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus.

 

La qualité évangélique de nos relations, signe de notre conversion, est fonction des conditions dans lesquelles nous vivons aujourd’hui. Nous n’avons pas le prophète Jean-Baptiste pour nous alerter sur ce que chacun de nous doit convertir dans sa vie quotidienne, mais, je suis sûr que chacun voit très bien ce qu’il faudrait améliorer pour que sa vie soit davantage en rapport avec le don que Dieu nous fait de son amour et avec ce qu’il attend de nous. C’est humblement mais avec lucidité et courage qu’il convient de tenter d’ajuster notre vie aux exigences de l’évangile, en sachant que Dieu sait ce qu’il est possible à chacun de modifier dans sa vie. Dieu n’a pas une idée imaginaire sur que chacun doit faire pour vivre selon l’évangile. Dieu est réaliste, il connaît nos limites et ce qu’il nous est possible ou non de changer dans nos comportements.

 

Se convertir n’est pas seulement le passage de l’obscurité à la lumière, elle est cet effort joyeux de celui qui poursuit sa marche en avant avec persévérance sans se laisser abattre par les échecs mais soutenus par un Dieu qui nous ouvre sans cesse un avenir de paix intérieure et de joie. C’est la ferme volonté de l’apôtre Paul exprimée dans sa lettre aux Philippiens : « Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus. » (Ph 3, 13-14). Le baptême d’eau était le signe du désir de conversion chez ceux qui venaient à Jean-Baptiste. À chacun de nous de choisir les petits signes qui exprimeront notre désir d’avancer sur le chemin qui nous ajustera à l’amour de Dieu et de nos frères et sœurs. Que ce soit notre prière à ce Dieu qui croit en nous, qui croit à notre capacité à convertir un peu notre vie pour la rendre plus conforme à l’image de Jésus, le Fils bien-aimé.

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