3e journée spirituelle - 16 décembre 2020

Publié le par Père Maurice Fourmond

 « Es-tu celui qui doit venir ? »

 

Sens de l’interrogation de Jean-Baptiste

 

Ma réflexion est partie de l’évangile du dimanche de la 3e semaine de l’Avent, mais de l’année A. Cet évangile nous rapporte la question que Jean-Baptiste en prison fait porter à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » On s’est beaucoup demandé quel était le sens de la question du cousin de Jésus. Est-ce simplement une confirmation de son cousin ou plus profondément un doute sur la messianité de Jésus. Bien qu’il se sente appelé à annoncer le Messie et sa certitude intérieure que son cousin est l’élu de Dieu, on peut légitimement penser que Jean se pose des questions, car l’attitude de Jésus est bien différente de l’idée du Messie attendu que se faisait la majorité des gens et Jean lui-même. Il y a un fossé entre la vision du Messie, nouveau roi, qui rétablira la royauté après avoir chassé les occupants romains, redonnant à Israël sa gloire passée, et l’humble chemin que Jésus ne cesse de suivre. Alors, Jésus est-il vraiment ce Messie tant attendu ? Certes, Jésus donne des signes du royaume à venir et il les rappellera en réponse à son cousin, en citant le prophète Isaïe. Mais est-il le descendant de David avec toute la puissance qu’avait l’ancien roi de Juda et d’Israël ? Isolé dans la prison, Jean-Baptiste peut se poser la question et il souhaite avoir une confirmation, éclairée par son cousin lui-même.

 

Certes, aujourd’hui, comme chrétiens, nous ne nous posons pas la question de Jean-Baptiste ; nous croyons que Jésus est vraiment le Messie attendu et un Messie qui s’est voulu le serviteur de ses frères, un Messie dont l’amour a été jusqu’à donner sa vie pour cette humanité que Dieu aime. Quand nous nous interrogeons sur notre foi, il ne s’agit pas de savoir, comme pour Jean-Baptiste, si Jésus est le Messie, mais il s’agit de savoir si nos représentations de Dieu correspondent vraiment à ce que Jésus est venu nous révéler.

Jean-Baptiste s’interrogeait pour savoir si sa conception du Messie était celle voulue par son cousin, nous pouvons aujourd’hui nous interroger pour savoir si notre vision de Dieu correspond à ce que Jésus nous a dit. La question de Dieu travaille toujours nos esprits et nos cœurs.

 

C’est ainsi que chacun de vous, comme moi-même, tout en ayant une confiance inébranlable en Jésus, nous gardons toujours des interrogations sur Dieu : quelle idée je m’en fais ? Est-ce qu’elle correspond à la vérité de Dieu ? Il m’arrive souvent le matin avant de dire la prière de Laudes, de m’adresser à Dieu en lui disant : « je vais dire avec beaucoup de croyants cette prière de louange pour toi, Dieu, que je ne connais pas et que je voudrais aimer. » En disant « que je ne connais pas », je souligne la distance entre le Dieu que Jésus nous a révélé et la connaissance que nous pouvons avoir de ce Dieu, car Dieu est le « Tout-Autre », il échappe à toute représentation humaine ; mais aussitôt après, en disant « que je voudrais aimer », j’exprime un désir qui rejoint celui que, dans ma foi, je crois infiniment proche de moi. Ce paradoxe entre le Dieu tout proche de moi et le Dieu caché exprime notre position de croyant, qui est à la fois dans la lumière, mais aussi dans l’obscurité, habité par une foi sincère et aussi habitée par tant de questions et de doutes. Ce paradoxe habite chacun de nous. C’est pourquoi notre vie spirituelle est toujours un chemin sur lequel nous marchons dans la lumière et l’obscurité.

Toutefois, il convient de distinguer le doute et ce que tant de mystiques appellent la « nuit de la foi ».

Le doute naît des questions posées à notre intelligence, ces questions sont là pour nous pousser à réfléchir, à tenter de comprendre ce Dieu insaisissable, à comprendre notre foi chrétienne, non comme une évidence mais comme profondément « raisonnable », ayant une réelle cohérence intellectuelle. Le doute est un élément constitutif de notre foi car nous sommes à la fois des êtres qui font confiance et des êtres qui raisonnent. Notre foi n’est pas absurde.

La nuit, elle, est une épreuve spirituelle ; elle n’est pas une question posée à notre intelligence, mais un sentiment de déréliction spirituelle, une épreuve qui est apparentée à la déréliction du Christ au jardin de Gethsémani, c’est le sentiment que la main si forte et si douce de Dieu m’a lâché. Il vous arrive peut-être d’être dans la nuit et c’est une rude épreuve, mais tout autre est le doute qui est plutôt une invitation à chercher plus loin.

 

Il est tout à fait normal que nous nous posions des questions sur ce Dieu que Jésus nous a révélé et que nous voulons aimer. Il est tout à fait normal de chercher à comprendre avec notre intelligence ce que notre cœur découvre comme étant celui qui nous accompagne sans toucher à notre liberté, celui qui nous soutient par la présence mystérieuse mais puissante de son Esprit-Saint.

Il est normal, sans oublier la certitude intérieure qui nous habite concernant le Dieu-Amour, que nous nous posions des questions, comme Jean-Baptiste, mais aussi comme tant de croyants au cours des siècles depuis les apôtres. Ces questions ne diminuent en rien notre foi, tout au contraire elles la stimulent.

Malgré la puissante cohérence de la foi chrétienne, il est normal que nous ayons des questions sur ce que les chrétiens débattent depuis les origines du christianisme. Les conciles, jusqu’au Concile Vatican II, n’ont pas cessé de reprendre les grandes interrogations des croyants et de tenter des explications qu’il conviendra sans cesse de reprendre et de réinterpréter en fonction de l’évolution de la pensée, de la société, des cultures.

Bien sûr, chacun va faire travailler son intelligence selon ses possibilités, mais il est important, chacun à sa mesure et soutenu par des frères et de sœurs, de chercher à mieux comprendre qui est ce Dieu que nous aimons afin de mieux vivre ces relations aimantes que Dieu souhaite avoir avec nous, jour après jour. Nous sommes et nous serons jusqu’à la fin de notre vie des « chercheurs » de Dieu.

 

Un chercheur de Dieu, c’est quelqu’un qui n’est jamais pleinement satisfait de la vérité de sa démarche, quelqu’un qui se remet sans cesse en question afin d’être plus vrai devant Dieu.

Être chercheur de Dieu comporte deux exigences sans lesquelles notre recherche serait vaine. D’abord un désir permanent de progresser dans notre connaissance de Dieu afin de mieux l’aimer mais aussi la volonté de réaffirmer sans cesse notre confiance totale en la présence de l’Esprit-saint. L’Esprit-saint porte notre recherche, lui donne d’avancer sans se décourager et l’ouvre sur une destinée éternelle. Notre vie est donc en permanence, à la fois un temps d’accueil de Dieu, mais aussi un temps de recherche de Dieu. Actuellement nous n’avons qu’une connaissance partielle comme saint Paul l’écrivait aux Corinthiens : « Nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face. Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai parfaitement, comme j’ai été connu. » (1 Co 13, 12).

Notre connaissance de Dieu ne sera parfaite qu’au moment de notre mort. Notre réponse actuellement fragile et faible, aura un accomplissement au moment de notre mort lorsque nous serons pleinement humains, divinisés et ressuscités.

 

Nous avons conscience que nous ne savons pas qui est Dieu dans son être mais seulement dans la relation qu’il désire avoir avec notre humanité. Cette relation s’est révélée de façon obscure dès les origines de l’humanité, en raison de l’image divine inscrite au cœur de toute personne humaine. Elle s’est révélée une alliance dont le petit peuple d’Israël était le signe, puis pour nous chrétiens en Jésus-Christ. C’est particulièrement Jésus qui nous a révélé que Dieu est Père au sens d’un amour gratuit qui fait vivre, un amour gratuit qui s’étend à tout l’univers et en particulier à tous ces êtres humains qu’il considère comme ses enfants. Jésus avait dit à son ami Philippe : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu, a vu le Père. Comment peux-tu dire : “Montre-nous le Père” ? » (Jn 14, 9).

Ainsi, nous avons des réponses imparfaites mais vraies à notre interrogation « qui est Dieu ? », en nous référant à la vie et à l’enseignement de Jésus. Grâce à lui, nous pouvons discerner les moyens humains que nous avons pour parler de Dieu et comment apporter une réponse à l’amour qu’il nous porte. Nous pouvons également trouver dans la vie de Jésus comment notre vie peut à la fois réussir humainement et en même temps, partager à la mesure de notre humanité terrestre, quelque chose de la vie et de l’amour qu’est Dieu.

 

C’est pourquoi notre prière est essentiellement une prière où nous demandons à Dieu de pouvoir l’aimer tout en gardant de nombreuses questions sur la signification de tout ce que les croyants ont exprimé sur ce Dieu révélé par Jésus-Christ. N’est-ce pas l’essentiel de ce merveilleux dialogue entre Jésus ressuscité et son ami Pierre ? Au moment où Jésus demande à Pierre de confirmer ses frères dans la foi, il ne demande pas à Pierre s’il se rappelle les paroles qu’il a données dans son enseignement, il n’entend nullement vérifier l’orthodoxie de la foi de Pierre, sa seule question est : « Pierre m’aimes-tu ? ». Et nous a été rapportée la réponse humble de Pierre : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime. »

C’est notre seule façon de répondre à la question qui revient sans cesse « Qui es-tu, mon Dieu ? » : « Seigneur, donne-moi de vivre selon cet amour divin qui m’habite afin de construire peu à peu qui je suis dès maintenant et un jour dans ton éternité bienheureuse. Donne-moi d’accepter mes limites humaines et de ne pouvoir te rencontrer que dans ce fin silence qui est la présence en nous de ton Esprit Saint ».

 

 

 La purification permanente de notre connaissance de Dieu

 

Ce matin, nous avons entendu la question inquiète de Jean-Baptiste et comment le croyant que nous essayons d’être est habité à la fois par une certitude intérieure de la bonté et de la grandeur de Dieu, de sa relation aimante avec nous, et en même temps par le désir de connaître davantage ce Dieu qui est amour. N’est-ce pas ce que nous souhaitons par rapport aux personnes que nous aimons : nous voudrions les connaître toujours davantage afin de mieux les aimer tout en sachant qu’elles resteront toujours pour une part, un mystère pour nous. Nous nous posons sans cesse la question : « qui es-tu ? » Nous avons tous la même interrogation et en ce qui concerne notre relation avec Dieu, nous cherchons sans cesse à répondre à cette question : « Qui es-tu, mon Dieu » ? Répondre à cette question est un grand travail jamais achevé. Il nous suffit de regarder brièvement l’histoire de notre humanité pour constater que la vision que les hommes ont pu avoir de Dieu, a évolué et s’est purifiée siècle après siècle pour aboutir à une vision plus juste de ce Dieu inconnu à travers la vie et l’enseignement de Jésus Christ. Beaucoup de saints nous disent que leur connaissance de Dieu s’est purifiée et simplifiée tout au cours de leur vie.

Nous pouvons donc demander au Seigneur de nous éclairer sur ce qu’il est, afin de mieux vivre notre relation avec lui. Nous avons quelques moyens de le connaître un peu mieux grâce à ce qu’il nous dit de lui-même. En effet Dieu « parle » et, en parlant, il se « dit ». Comment savons-nous que Dieu « parle » ? Sa parole n’est pas directe, mais elle nous est transmise à travers plusieurs réalités de notre vie comme la méditation de la Parole de Dieu, la réflexion personnelle et partagée, à travers tous les gestes d’amour et bien sûr, pendant les moments de prière.

Ce travail de purification ne peut être réalisé que sous la mouvance de l’Esprit Saint. En effet, selon la parole de Jésus, c’est l’Esprit Saint qui est seul susceptible de nous conduire vers la vérité de Dieu. Jésus avait dit à ses amis : « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : mais ce qu’il aura entendu, il le dira ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. » (Jn, 16, 13). Tout effort pour mieux connaître Dieu se vit sous la mouvance de l’Esprit Saint. C’est pourquoi ce travail pour le connaître et nous ajuster davantage à lui par la méditation de la Parole, la réflexion personnelle, l’amour du prochain et la prière, doit commencer par un appel à l’Esprit Saint qui seul peut nous conduire vers la vérité de Dieu et la vérité de nous-mêmes.

Nous le savons, Dieu seul est vérité mais nous pouvons en avoir quelques lueurs si nous nous mettons à l’écoute de son Esprit Saint : « Esprit Saint, toi qui es la vérité de Dieu aide-moi à découvrir le vrai visage de Dieu dans sa parole, dans notre recherche personnelle, dans le frère rencontré dans le silence de la prière. »

Méditons quelques instants sur ces moyens mis à notre disposition pour avoir une meilleure connaissance de ce Dieu que nous aimons.

 

1 - La méditation de la Parole de Dieu nous permet de connaître quelque chose de Dieu car, à travers cette Parole, Dieu se dit, il nous découvre un peu qui il est pour nous, quel est le chemin de notre bonheur. Bien sûr, la parole biblique s’exprime à nous à travers des mots humains, mais notre expérience personnelle nous permet de transposer en Dieu telle attitude, tel aspect que la parole biblique laisse entrevoir. Ainsi, quand l’évangile nous montre Jésus compatissant devant une foule affamée ou libérant un possédé, nous pouvons comprendre le sens de ces mots de compassion ou de libération à partir de notre propre expérience et penser que d’une manière qui nous échappe, ils sont des caractéristiques de Dieu lui-même. Nous pouvons dire en vérité : « mon Dieu tu es compatissant devant nos misères, tu es libérateur de nos faiblesses » et ainsi faire grandir l’amour que nous lui portons.

La méditation de cette Parole nous permet d’entrer un peu dans la pensée de Dieu, dans le regard que Dieu porte sur nous dans, si je puis dire, les sentiments de Dieu et donc sur ce qu’il est lui-même. Le message de Dieu dans sa Parole nous dévoile des qualités divines de présence, d’attention, de compassion, d’amour gratuit qu’il nous faut bien sûr comprendre et traduire à travers notre langage humain, à travers nos expériences humaines, mais qui nous disent quelque chose de Dieu et qui nous placent devant Dieu plein de reconnaissance pour cet amour qui nous enveloppe.

C’est ainsi que ce message divin contenu dans la parole des écrivains bibliques, nous parle d’un Dieu qui est comme un père aimant avec toutes les belles caractéristiques de l’amour paternel ou maternel telles que nous pouvons les connaître lorsque l’amour humain est le meilleur et le plus beau possible. C’est aussi un Dieu qui donne la vie, qui donne sa vie et qui nous aide à vivre et à grandir dans le même amour qu’il est et qui nous tient debout.

C’est ainsi que notre méditation de la Parole, avant d’être une étude intellectuelle, doit être une écoute d’un Dieu qui « parle ». Le père Louis-Marie Chauvet dans son livre « Dieu, un détour inutile ? » nous dit que la parole est d’abord une relation vivante d’une personne à une autre personne ; elle dit qui est celui qui parle et celui à qui s’adresse la parole avant d’exprimer un contenu. Au moment où je médite la Parole, Dieu se dit à mon cœur et à mon intelligence comme celui qui m’aime gratuitement et il me dit que je suis son enfant bien-aimé.

Cette parole de Dieu se fait entendre à travers les multiples approches de ce texte que nous appelons l’Écriture Sainte. Ainsi pour interpréter cette parole divine nous bénéficions du travail des chercheurs, des exégètes, des archéologues, des biblistes, comme de tous ceux qui ouvrent ce livre et se mettent à l’écoute de la Parole de Dieu, individuellement ou en groupes. Le travail pour entendre cette parole passe aussi par la mise en pratique du message qu’elle porte. La Parole fait ce qu’elle dit ; nous entrons dans la Parole non seulement par notre écoute aimante, mais aussi par la façon dont cette Parole dirige notre vie.

De plus, la méditation de la Parole de Dieu est déjà prière, au sens d’une ouverture du cœur à Dieu. C’est pourquoi, toute méditation de la Parole de Dieu, cette ouverture du cœur, se conclut normalement par une action de grâce pour la beauté et la bonté de ce qu’est Dieu pour nous, pour sa présence mystérieuse mais réelle dans cette parole inspirée et pour l’amour que cette parole manifeste. Ainsi la méditation de la Parole de Dieu nous conduit à la contemplation dans le silence de l’esprit et du cœur.

 

2 - Notre réflexion personnelle

Il est une autre voie qui nous permet de mieux comprendre qui est ce Dieu que nous aimons et quels mots nous pouvons mettre sur ce qu’il révèle de lui-même et de nous : c’est notre propre réflexion, notre propre réponse à la question « qui es-tu ? », réponse alimentée par la réflexion de l’Église c’est-à-dire par tout ce peuple de Dieu qui n’a cessé au cours des siècles de réfléchir sur le sens de sa foi, sur ce Dieu qui est au cœur de sa vie.

La réflexion individuelle est très importante, mais réfléchir avec d’autres est essentiel. Vous connaissez le slogan qui est apparu particulièrement après le Concile Vatican II : « On n’est pas chrétien tout seul. » Pour construire notre foi, particulièrement aujourd’hui où la dimension sociale de la foi chrétienne a pratiquement disparu et n’est plus porteuse pour le croyant que nous essayons d’être, il est important de partager avec d’autres notre recherche de Dieu. Ici à Marie-Thérèse nous avons la possibilité d’échanger à plusieurs sur les questions de notre foi si nous en avons le désir. Nous pouvons à plusieurs parler de ce Dieu que nous essayons d’aimer, afin de mieux le connaître et partager sur notre relation personnelle avec le Dieu de Jésus-Christ.

Réfléchir ensemble sur notre foi commune, c’est un peu comme lorsque nous nous réunissons entre amis afin de parler de quelqu’un que tous nous aimons bien. Nous évoquons alors telle ou telle rencontre, tel ou tel événement vécu. On met alors des mots pour définir amicalement notre ami commun : il est comme ci et comme cela et notre échange approfondit notre relation avec celui que nous aimons et dont nous venons de parler. N’est-ce pas ce qu’il nous est demandé à nous croyants : nous avons besoin les uns des autres pour purifier et approfondir notre connaissance de ce Dieu que nous cherchons à aimer.

Bien sûr, nous n’avons pas toujours, pour différentes raisons, la possibilité de partager avec d’autres sur le Dieu que nous aimons. Nous avons la chance d’avoir des écrits de croyants qui ont pu traduire dans des livres leur expérience de Dieu. Nous avons parlé déjà de ces écrits que sont la Bible, mais il est toujours intéressant d’entendre le témoignage de personnes qui expriment leur propre expérience de Dieu ; elles peuvent nous éclairer sur la façon de comprendre les grandes affirmations de la foi, et ainsi nous éclairer sur notre propre façon de percevoir qui est le Seigneur. À côté de la vie des saints, nous avons la possibilité de lire des ouvrages un peu théologiques (théo-logie = Parole sur Dieu) et ainsi peut-être approfondir et purifier nos représentations de Dieu.

La façon de comprendre la foi et notre façon de nous situer dans notre Église est sans cesse en évolution. Si nous voulons être des témoins du Seigneur Jésus, et selon l’exemple du Seigneur annoncer « aux pauvres la Bonne Nouvelle de l’Évangile », nous avons la responsabilité de poursuivre sans cesse notre recherche afin de mieux comprendre notre foi et comment pouvoir en témoigner de façon crédible à nos contemporains. Nous savons que la question posée aujourd’hui aux croyants est moins la présence d’un athéisme agressif, même s’il existe encore, que l'indifférence aux questions religieuses, attitude bien plus redoutable que l’athéisme.

Nous ne pouvons pas nous désintéresser d’un certain « travail » afin d’être les témoins de la « Bonne Nouvelle » pour aujourd’hui. Ma petite expérience me dit combien il y a de représentations de Dieu qui s’apparentent davantage à une vision païenne de Dieu, à la transposition en Dieu de nos sentiments trop humains de violence, de vengeance, de recherche du pouvoir, aspects humains bien différents de ce que Jésus nous a montré du Dieu auquel nous croyons. Ainsi, ce travail de purification, chacun selon ses capacités, est une exigence spirituelle que nous ne pouvons pas écarter. Je suis sûr que chacun de nous, à sa mesure et dans ses limites personnelles, doit pouvoir grandir dans la compréhension de Dieu parmi les hommes, de trouver les mots qui rendront mieux compte de ce que nous croyons de Dieu et ainsi de mieux l’aimer et d’être meilleurs témoins de l’évangile.

 

3 - L’amour du prochain

Il est un troisième moyen pour mieux connaître qui est Dieu : c’est l’amour du prochain. Pourquoi ? Parce que Dieu se reconnaît, il reconnaît quelque chose de lui-même dans tout acte d’amour authentique. Jésus n’a-t-il pas dit en parlant de ceux qui avaient aidé et soutenu des frères et sœurs dans le besoin : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». Dieu se reconnait dans le frère secouru et il dit qu’il est cet amour que la personne a manifesté à son prochain.

Parce que tout amour authentique a une source qu’est Dieu, consciemment ou non, chaque geste d’amour vrai laisse transparaître qui est le Dieu auquel nous croyons, nous permettant de mieux connaître notre Sauveur et en même temps de mieux comprendre ce vers quoi nous sommes appelés.

 

4 - La prière

Enfin notre connaissance de Dieu va se construire à travers les moments de prière, prière individuelle et prière communautaire. Ces moments sont particulièrement importants car, dans la prière, nous sommes particulièrement à l’écoute de Dieu. Dans la prière, à travers ce que notre cœur et notre esprit entendent, quelque chose de Dieu lui-même nous est révélé. Dieu lui-même, par la médiation de son Esprit, se dévoile à nous comme celui qui nous connait, qui comprend ce que nous pouvons éprouver, qui relève, qui libère, qui redonne vie, autant de signes distinctifs de qui est le Dieu de Jésus-Christ.

Nous avons sans doute souvent le sentiment que nous sommes loin de Dieu malgré notre effort et notre désir. Nous avons parfois le sentiment de l’inutilité de notre démarche pour « rencontrer » Dieu dans la prière, nous avons le sentiment d’un silence impressionnant, qu’il est sourd à nos appels, à notre détresse comme les apôtres dans la barque et qu’il ne répond pas à notre prière. C’est notre condition humaine limitée et qui bute sans cesse sur l’infini de Dieu. Et pourtant, même notre désir sincère, notre effort misérable pour « être avec » Dieu sont une prière authentique dans laquelle, même si nous n’en avons pas sur le moment une conscience claire, Dieu se révèle à nous dans la totalité de son amour pour nous.

C’est alors qu’il convient d’entrer dans l’amour que Dieu a pour moi, même si je ne le ressens pas, il suffit de m’abandonner à cet amour dans la paix qui l’accompagne toujours. C’est ainsi, comme chaque fois que nous essayons d’accueillir le désir de Dieu de vivre avec nous, que notre prière peut se poursuivre dans un silence contemplatif. Notre connaissance de Dieu n’a plus besoin de mots pour se dire mais elle se vit dans cette présence aimante et silencieuse plus profonde que tous les mots qui peuvent dire quelque chose de Dieu. Le silence de celui qui s’offre à cet amour divin devient un immense merci.

« Seigneur, je te fais confiance même si je n’arrive pas à comprendre qui tu es, autrement qu’à travers des paroles humaines que je sais loin de la réalité de ta vie. Que ton Esprit Saint me maintienne dans cette confiance qui est la lumière de ma vie. »

 

 

Purifier nos représentations de Dieu était un travail de toute une vie. Ce matin, j’ai fait allusion à la parole de Saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens : « Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai parfaitement, comme j’ai été connu. » (1 Co 13, 12). Dans notre connaissance progressive et imparfaite de Dieu, nous portons toujours l’espérance d’une rencontre parfaite dans la totale clarté. C’est cette espérance qui doit nous animer pour poursuivre notre quête de Dieu dans la paix.

Comme dans toute relation aimante, nous n’en finissons pas de découvrir l’autre, car  l’autre restera toujours, pour une part, un mystère. De même il nous faut accepter l’imperfection de notre connaissance de Dieu et ses limites. C’est pour nous l’occasion de redire notre confiance : « mon Dieu, je te connais si mal, mais je fais confiance à l’amour que tu as pour moi et dont tu me donnes sans cesse des signes fragiles, mais que je peux reconnaître pour m’en émerveiller. »

Cette purification de notre compréhension de Dieu se traduit en simplification, en simplicité, la simplicité d’une présence aimante et rien que cela. J’ai souvenir d’une catéchumène qui avait continué à chercher Dieu toute sa vie dévorant des quantités d’ouvrages et qui vers la fin de sa vie me disait : « Maintenant je laisse Dieu se dire en moi, je n’ai plus besoin de grands discours sur Dieu. » Non pas qu’elle arrêtait sa recherche mais elle pensait que Dieu, présent dans sa vie, continuait à travailler son cœur et son intelligence avec plus de vérité. Elle avait découvert que la simplicité de l’approche de Dieu était le signe d’une meilleure connaissance de son Seigneur.

Dieu est simple et c’est sans doute la raison de cette parole bien rassurante de Jésus rendant grâce à son Père : « En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. » (Mt 11, 25-26).

 

Restons dans la présence de l’Esprit saint, qu’il nous conduise peu à peu jusqu’à la vérité parfaite, jusqu’à la pleine lumière. En attendant ce moment éternel, disons merci à Dieu pour ce qu’il est et ce qu’il nous a permis de connaître de lui.

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